Du déclin de la langue.

Je sais par expérience que bon nombre d’entre vous en voyant la taille de ce texte, voir même le sujet n’iront pas plus loin. Qu’une autre partie en lira un extrait ou le survolera et s’empressera d’exprimer son avis sur ce qu’il aura bien voulu comprendre. Loin de moi l’idée de vouloir juger ou de me poser en donneur de leçon. Je souhaite juste exprimé une suite de constats. Libre à vous de commenter.

Lorsque j’étais plus jeune, je désolais mes parents et mes professeurs en refusant de faire l’effort d’écrire correctement. Non que je n’avais pas une utilisation correct de la langue, mais je ne faisais pas de belles lettres et mon écriture ressemblait à un gribouillis informe. Pour moi du moment que j’arrivais à lire et à me faire lire, je ne voyais pas l’intérêt d’aller plus loin. Plus tard, j’ai découvert le pouvoir du verbe. Quand j’ai découvert que je pouvais mettre au sol les gros bras du collège uniquement par l’humiliation de mot bien placé, que je pouvais éviter bon nombre de punition de mes professeurs en allant argumenter clairement auprès d’eux, que je pouvais séduire les filles en allant pomper des phrases des plus grands auteurs, j’ai fait de la langue mon arme.Plus tard ça m’a permis de prétendre à des fonctions loin de mes compétences, d’éviter bon nombre de conflit avec mon entourage.

Je ne suis pas un grand lecteur, ni un amoureux des mots, ni un extrémiste de l’orthographe. J’ai abandonné l’idée de partir en croisade contre cette nouvelle génération grandissante qui communique par les sms, les images et les coups. Je ne fais pas une généralité. Je travaille avec une centaine de jeunes de milieu rural qui, bien que n’ayant pas plus de difficultés sociales ou scolaires que la moyenne, ne sont certainement pas représentatifs de la jeunesse française.
Aujourd’hui il faut aller vite. L’information circule vite, la société change vite, la population à accès à une somme considérable de connaissances dès le plus jeune âge, lachés en vrac. Promotion sur la culture, tout doit disparaître.

Je n’ai pas le temps de discuter avec les autres, je dois améliorer mes performances. Je n’ai pas le temps d’améliorer mes performances je dois prendre du temps pour Moi et m’amuser. Je n’ai pas le temps de m’amuser, je dois consommer.

Un peuple qui perd ses mots n'est plus un peuple libre. Et si cette formule de François Mitterrand prenait aujourd'hui tout son sens ? Le constat du déclin de la langue française, déclin de son utilisation et de sa qualité, dans le monde et, c'est plus grave, en France même, ne peut être sérieusement contesté. Que le Français périclite inexorablement au sein des organisations internationales est profondément choquant, lui qui fut la langue de la diplomatie internationale ; que rien, ou quasiment, n'ait jusqu'ici été fait pour que les jeunes français cessent de le désapprendre l'est encore plus. Renoncer à ses mots, renier sa langue, c'est abandonner une bonne partie de sa substance, le meilleur de soi, et peut-être son être même. Car si la langue n'est rien en elle-même, elle est tout, elle est l'essentiel, par ce qu'elle représente, par ce qu'elle permet, par ce qu'elle implique et engage.

La langue n'est pas seulement un vecteur de communication, comme une courroie de transmission entre les hommes d'un même peuple. La langue est beaucoup plus qu'un moyen. Elle est fondatrice, elle structure la pensée. On ne pense pas sans mots.La langue française, qui comporte beaucoup plus de mots que d'autres langues pour exprimer une même idée - c'est pourquoi elle est si difficile à apprendre pour des étrangers -, exprime une certaine manière de comprendre le monde, de le penser, une manière proprement française. Au temps où l'on aimait la précision, la finesse et la littérature, au temps où l'on aimait tout simplement la pensée, la richesse de la langue française faisait sa force. Les esprits chagrins répondront que c'est sans doute cette richesse qui fait aujourd'hui sa faiblesse, maintenant qu'a sonné l'heure de l'efficacité économique, du règne technique et du culte du corps. C'est bien possible. N'empêche : Peut on sérieusement dissocier la montée de la violence, l’incapacité grandissante à communiquer autour d’une table ou lors d’une assemblée de ce désintérêt pour les mots ?

Bien sûr, la langue est autant un espace d'enfermement qu'un espace de liberté, et quand nous croyons utiliser la langue, c'est souvent elle qui nous utilise, et qui parfois nous abuse. Les pires des dictatures mais aussi les meilleures des démocraties ont bien compris quel était le pouvoir des mots, pouvoir au moins aussi important que celui des images. Mais la langue française, elle, a cette particularité d'avoir apporté à beaucoup d'hommes par le passé un message de liberté, d'émancipation, d'ascension sociale.
Il s'agit ni plus ni moins que de retrouver nos mots pour rester libres.